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Lettre de Ia‘acob
Épître de Jacques


     L’auteur de cette lettre se donne pour être Ia‘acob (Jacques), serviteur d’Elohîms et de Iéshoua‘, le messie, en qui la tradition a cru reconnaître l’un des « frères » de Jésus, le chef de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem. Nourri de tradition biblique, il est si parfaitement au courant de la pensée et de la pratique synagogales que son origine juive ne fait pas de doute: il se situe sur l’étroite frontière qui séparera ultérieurement le christianisme du judaïsme. Seules deux références au messie Iéshoua‘ (1,1 et 2,1) sont là pour affirmer qu’il était un adepte de l’Église nouvelle; mais il n’était assurément pas coupé de son peuple: il s’adresse au contraire explicitement à lui seul, aux douze tribus, celles de la diaspora. Les exégètes mettent en relief le fait que la polémique judéo-chrétienne, si souvent présente dans les livres du Nouveau Testament, n’apparaît jamais ici. Ia‘acob est un adhérent du messie Iéshoua‘, mais il s’adresse à son peuple, avec l’autorité d’un dirigeant incontesté, de l’intérieur. Il insiste sur l’unité de IHVH-Adonaï Elohîms, il appelle Abrahâm notre père sans ajouter « selon la chair » comme Paul le fit en s’adressant aux païens (Jc 2,19; 2,21). Pour Ia‘acob comme pour Pierre il convient d’accomplir toutes les misvot de la Tora. Comme tous les rabbis de Judée et de Galilée il sait que la foi sans les oeuvres est une foi morte. Il reprend les thèmes inlassablement traités par la Bible et la littérature hébraïque postérieure, condamnant le mauvais usage de la langue, la fausse sagesse, les voluptés charnelles, la présomption et la convoitise issues de l’amour immodéré de ce monde. La diatribe contre les riches se réfère à la dure condition des masses de Judée et de Galilée, ruinées par l’occupation romaine.

     La plupart des exégètes situent la rédaction de cette lettre entre 57 et 62, date de la mort de Ia‘acob. John A. T. Robinson la fait remonter une décennie plus tôt, vers 47-48, à l’époque de la première mission de Paul et du concile de Jérusalem.

     La lettre n’a pas une composition rigoureuse; elle traite au fil de la plume les thèmes suivants:
I.  Salutations (1,1).
II.  Assumer sa joie dans les pires épreuves (1,2-27).
III.  Riches et pauvres, la foi et les oeuvres (2,1-2,26).
IV.  La langue est un feu, la sagesse est pure (3,1-18).
V.  S’opposer au diable; toute fierté est un mal (4,1-5,6).
VI.  L’avènement de l’Adôn est proche; sauver les coupables (5, 7-20).

     La lettre s’achève brusquement, sans les salutations finales habituelles.


Chapitre 1.

La joie dans les épreuves

1.     Ia‘acob, serviteur d’Elohîms et de l’Adôn Iéshoua‘, le messie,
aux douze tribus, celles de la diaspora, shalôm.
2.     Toute la joie, assumez-la, mes frères,
quand vous tombez dans les diverses épreuves.
3.     Pénétrez-le: le test de votre adhérence produit l’endurance;
4.     que l’endurance rende l’oeuvre parfaite, pour que vous soyez parfaits,
et, dans l’abondance, dépourvus de rien.
5.     Mais si l’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Elohîms
­ il donne à tous les hommes sans réserve, sans blâme ­,
et elle lui sera donnée.
6.     Qu’il la demande dans l’adhérence, sans douter de rien:
oui, celui qui doute ressemble à l’agitation de la mer,
poussée et repoussée.
7.     Que cet homme ne s’imagine donc pas recevoir quoi que ce soit de IHVH-Adonaï,
8.     homme double, instable en toutes ses routes.
9.     Mais que le frère pauvre soit fier de son élévation,
10.     et le riche de son appauvrissement,
parce qu’il passera comme fleur d’herbe.
11.     Oui, le soleil s’est levé avec sa chaleur brûlante;
il a desséché l’herbe,
sa fleur est tombée, et le charme de son apparence a été détruit.
Ainsi du riche, il s’évanouit dans ses routes.
12.     En marche, l’homme qui endure l’épreuve
parce que l’épreuve, étant advenue,
lui laissera la couronne de vie promise à ceux qui aiment.
13.     Que personne, étant éprouvé, ne dise:
« C’est par Elohîms que je suis éprouvé. »
Non, Elohîms ne peut être éprouvé par le mal, il n’éprouve personne.
14.     Chacun est éprouvé par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit.
15.     Alors la convoitise, ayant conçu, enfante la faute,
et la faute, pleinement formée, apporte la mort.
16.     Ne vous égarez pas, mes frères aimés.
17.     Tout bon présent, tout don parfait est d’en haut, du père des lumières,
en qui il n’est ni changement ni l’ombre d’un tropisme.
18.     L’ayant voulu, il nous a enfantés par la parole de vérité,
pour que nous soyons en tête de ses créatures.

Réalisateurs de la parole

19.     Sachez-le, mes frères aimés: que tout homme soit prompt à entendre,
lent à parler et lent pour la brûlure,
20.     car la brûlure de l’homme n’accomplit pas la justice d’Elohîms.
21.     Aussi, écartant toute souillure, tout vestige du mal,
accueillez avec humilité la parole implantée,
celle qui peut sauver vos êtres.
22.     Devenez les réalisateurs de la parole,
et pas seulement des entendeurs qui s’illusionnent eux-mêmes.
23.     Si quelqu’un est un entendeur de la parole et non un réalisateur,
il ressemble à un homme
qui observe le visage de sa genèse dans un miroir:
24.     il s’observe lui-même, et part en oubliant comment il était.
25.     Mais celui qui contemple la tora parfaite ­ celle de la liberté ­ s’y attache,
en ne devenant pas un entendeur oublieux, mais un réalisateur de l’oeuvre,
il est en marche, celui-là, vers sa réalisation.
26.     Si quelqu’un croit être religieux
sans brider sa langue, mais en illusionnant son propre coeur,
vaine est sa religion.
27.     La religion pure, immaculée, devant Elohîms, le père, la voici:
visiter les orphelins et les veuves dans leur tourment,
et se garder soi-même sans tache, loin du monde.

Chapitre 2.

Des riches et des pauvres

1.     Mes frères, sans faire acception de personne,
ayez l’adhérence à notre Adôn Iéshoua‘, le messie de gloire.
2.     Oui, si un homme entre dans votre synagogue
avec une bague d’or, un habit splendide,
et qu’entre aussi un pauvre en haillons;
3.     si vous regardez celui qui porte l’habit splendide en disant:
« Toi, assieds-toi ici confortablement », et au pauvre:
« Toi, tiens-toi debout là, ou assieds-toi sous mon escabelle »,
4.     ne les discriminez-vous pas,
ne devenez-vous pas des juges aux pensées criminelles ?
5.     Entendez, mes frères aimés:
Elohîms n’a-t-il pas choisi les pauvres dans l’univers, riches en adhérence
et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ?
6.     Mais vous méprisez le pauvre ! Les riches ne vous oppriment-ils pas ?
Ne vous traînent-ils pas devant les tribunaux ?
7.     Ne blasphèment-ils pas le beau nom invoqué sur vous ?
8.     Cependant, si vous accomplissez la tora royale selon l’Écrit:
« Tu aimeras ton compagnon comme toi-même », vous faites bien.
9.     Mais si vous faites acception de personne, vous commettez une faute,
vous êtes accusés par la tora comme transgresseurs.
10.     Oui, quiconque garde toute la tora mais trébuche sur un point,
il devient coupable de tout.
11.     Oui, celui qui a dit: « N’adultère pas », a dit aussi: « N’assassine pas. »
Or, si tu n’adultères pas mais assassines,
tu deviens un transgresseur de la tora.
12.     Parlez ainsi et agissez ainsi comme devant être jugés
par la tora de la liberté.
13.     Oui, le jugement est sans merci pour qui ne fait pas merci;
mais la merci triomphe du jugement.

L’adhérence et les oeuvres

14.     Quelle utilité, mes frères,
si quelqu’un dit avoir l’adhérence, mais non les oeuvres ?
L’adhérence pourrait-elle le sauver ?
15.     Si un frère ou une soeur sont nus et manquent de nourriture quotidienne,
16.     et que l’un de vous leur dise:
« Allez en paix ! Réchauffez-vous, rassasiez-vous ! »
sans leur donner le nécessaire pour le corps, quelle en serait l’utilité ?
17.     Ainsi l’adhérence sans les oeuvres est morte d’elle-même.
18.     Mais quelqu’un dira: « Tu as l’adhérence, et moi j’ai les oeuvres »,
montre-moi ton adhérence sans les oeuvres,
et moi, je te montrerai mon adhérence par mes oeuvres.
19.     Tu adhères à ce qu’Elohîms est un ? Tu fais bien !
Les démons aussi adhèrent et frissonnent !
20.     Veux-tu connaître, homme vain,
que l’adhérence sans les oeuvres est stérile ?
21.     Abrahâm, notre père, n’a-t-il pas été justifié par les oeuvres,
en offrant Is’hac, son fils, sur l’autel ?
22.     Tu vois que l’adhérence coopérait avec ses oeuvres,
et que par les oeuvres l’adhérence était parfaite.
23.     Ainsi s’accomplissait l’Écrit disant:
« Abrahâm a adhéré à IHVH-Adonaï; il le lui a compté en justification,
et il a été appelé l’ami d’Elohîms. »
24.     Vous voyez qu’un homme est justifié par les oeuvres,
et pas seulement par l’adhérence.
25.     Ainsi Rahab, la putain, n’a-t-elle pas été justifiée
par les oeuvres en accueillant les messagers
et en les expédiant par une route différente ?
26.     Oui, le corps sans le souffle est mort;
ainsi l’adhérence sans les oeuvres est morte.

Chapitre 3.

La langue est un feu

1.     Ne soyez pas nombreux à devenir des enseigneurs, mes frères.
Vous savez quel pire jugement nous recevrions.
2.     Oui, nous trébuchons souvent tous.
Si quelqu’un ne trébuche pas en paroles, c’est un homme parfait,
capable aussi de tenir en bride tout le corps.
3.     Si nous mettons des mors dans la bouche des chevaux
afin qu’ils nous obéissent, nous conduisons tout leurs corps.
4.     Considérez aussi les navires.
Si grands soient-ils, poussés par vents forts,
un tout petit gouvernail les dirige là où le veut l’impulsion du pilote.
5.     Ainsi en est-il de la langue:
c’est un petit membre, mais elle se glorifie de grands effets.
Et voilà, comme tel feu incendie telle forêt,
6.     la langue aussi est un feu, un univers d’injustice.
La langue se tient en nos membres.
Elle souille tout le corps, elle enflamme le cours de la nature,
enflammée qu’elle est par la géhenne.
7.     Oui, toute une nature de bêtes sauvages,
d’oiseaux, de reptiles, de bêtes marines,
est domptée et fut domptée par la nature de l’homme.
8.     Mais la langue, personne ne peut la dompter;
fléau instable, elle est pleine de poison mortel.
9.     Par elle nous bénissons IHVH-Adonaï, le père;
et par elle nous maudissons les hommes,
qui sont faits à la similitude d’Elohîms.
10.     De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction.
Il ne convient pas, mes frères, qu’il en soit ainsi.
11.     Une source, du même trou, fait-elle couler le doux et l’amer ?
12.     Un figuier, mes frères, produit-il des olives,
ou une vigne, des figues, ou l’eau salée fait-elle de la douce ?

L’humilité de la sagesse

13.     Qui est sage et savant parmi vous ?
Qu’il manifeste, par une belle conduite, ses oeuvres,
dans l’humilité de la sagesse.
14.     Mais si vous avez au coeur amère jalousie, rivalité,
ne triomphez pas, ne mentez pas contre la vérité.
15.     Cette sagesse ne vient pas d’en haut;
elle est terrestre, psychique, démoniaque.
16.     Oui, là où est la jalousie, la rivalité, là est aussi l’instabilité et tout acte vil.
17.     Mais la sagesse d’en haut est premièrement pure,
puis paisible, patiente, soumise, pleine de merci et de bons fruits,
sans incertitude, non feinte.
18.     Le fruit de justice se sème dans la paix pour les bâtisseurs de la paix.

Chapitre 4.

Toi, qui es-tu ?

1.     D’où les guerres, d’où les combats parmi vous, sinon de là:
de vos plaisirs, qui militent dans vos membres ?
2.     Vous convoitez et ne possédez pas;
vous enviez, vous jalousez et ne pouvez pas obtenir;
vous combattez et vous guerroyez,
mais vous n’avez pas, parce que vous ne demandez pas.
3.     Vous demandez et n’obtenez pas, parce que vous demandez mal,
et dans le but de dépenser pour vos plaisirs.
4.     Adultères ! Ne savez-vous pas
que l’amitié du monde est inimitié d’Elohîms ?
Celui donc qui veut être l’ami du monde
se constitue en ennemi d’Elohîms.
5.     Ou bien croyez-vous que l’Écrit dit en vain:
« Le souffle qui nous habite aspire à l’envie » ?
6.     Mais il donne un chérissement plus grand; c’est pourquoi il dit:
« Elohîms résiste aux orgueilleux,
mais il donne le chérissement aux humbles. »
7.     Soumettez-vous donc à Elohîms, opposez-vous au diable,
et il s’enfuira loin de vous.
8.     Approchez-vous d’Elohîms; il s’approchera de vous.
Purifiez vos mains, fautifs; innocentez vos coeurs, êtres doubles !
9.     Soyez dans la détresse, dans le deuil et pleurez.
Que votre rire se tourne en deuil, votre joie en atterrement.
10.     Humiliez-vous en face de IHVH-Adonaï et il vous exaltera.
11.     Ne parlez pas l’un contre l’autre, frères.
Qui parle contre un frère ou juge son frère
parle contre la tora et juge la tora. Et si tu juges la tora,
tu n’es pas un réalisateur de la tora, mais un juge.
12.     Unique est le formateur de la tora et le juge, celui qui peut sauver et perdre.
Mais toi, qui es-tu pour juger ton compagnon ?
13.     Allons, maintenant, vous qui dites:
« Aujourd’hui ou demain nous irons dans cette ville,
nous y passerons l’année, nous commercerons et nous gagnerons »;
14.     vous ne savez pas ce que votre vie sera demain; oui, vous êtes une fumée
qui apparaît un instant et disparaît de même.
15.     Au lieu de cela, vous direz:
« Si IHVH-Adonaï le veut, nous vivrons et ferons ceci ou cela... »
16.     Mais maintenant, vous êtes fiers avec vos fanfaronnades.
Toute fierté semblable est criminelle.
17.     Ainsi, qui sait bien faire et ne le fait pas, c’est, contre lui, une faute.

Chapitre 5.

À votre tour, les riches !

1.     Allons, maintenant, les riches !
Pleurez, hurlez, pour les malheurs qui viennent contre vous !
2.     Vos richesses sont pourries, vos parures rongées de vers,
3.     votre or et votre argent se sont rouillés;
leur rouille servira de témoignage contre vous.
Elle mangera vos chairs comme un feu.
Vous thésaurisez pendant les derniers jours !
4.     Voici, le salaire des ouvriers qui ont fauché vos domaines,
retenu par vous, crie;
et les cris des moissonneurs sont parvenus aux oreilles de IHVH-Adonaï Sebaot.
5.     Vous vivez voluptueusement sur terre, vous vivez mollement,
et nourrissez vos coeurs le jour de la tuerie.
6.     Vous avez condamné, tué, le juste, sans qu’il vous résiste.
7.     Patientez donc, frères, jusqu’à l’avènement de IHVH-Adonaï.
Voyez, le vigneron attend le fruit précieux de la terre
avec patience, jusqu’à ce qu’il le récolte, tôt ou tard.
8.     Patientez, vous aussi, fortifiez vos coeurs,
parce que l’avènement de IHVH-Adonaï approche.
9.     Ne gémissez pas, frères, les uns contre les autres,
de peur que vous ne soyez jugés. Voici, le juge se tient aux portes !
10.     Prenez en exemple, frères, la souffrance et la patience
des inspirés qui ont parlé au nom de IHVH-Adonaï.
11.     Voici, nous les voyons en marche, les endurants !
Vous avez entendu l’endurance de Iob.
Vous avez vu la fin de IHVH-Adonaï,
et que IHVH-Adonaï est matriciel et compatissant.

Règles de discipline

12.     Mais avant tout, mes frères, ne jurez pas,
ni par le ciel, ni par la terre, ni d’aucun autre serment.
Que votre oui soit oui, et votre non, non,
de peur que vous ne tombiez sous le jugement.
13.     L’un de vous souffre-t-il ? Qu’il prie ! Est-il joyeux ? Qu’il louange !
14.     L’un de vous est-il faible ?
Qu’il appelle les anciens de la communauté
et qu’ils prient pour lui,
le messiant d’huile au nom de IHVH-Adonaï.
15.     La prière d’adhérence sauve le malade; IHVH-Adonaï le réveille;
et s’il a commis des fautes, elles lui seront remises.
16.     Avouez donc vos fautes l’un à l’autre.
Priez les uns pour les autres afin d’être guéris.
La prière fervente du juste est très puissante.
17.     Élyahou était un homme de même nature que nous.
En prière, il a prié pour qu’il ne pleuve pas;
et il n’a pas plu sur terre trois ans et six mois.
18.     Puis il a prié à nouveau, et le ciel a donné de la pluie;
la terre a fait germer son fruit.
19.     Mes frères, si l’un de vous s’égare hors de la vérité,
que quelqu’un le fasse retourner.
20.     Qu’il le sache: qui fait retourner le coupable hors de la route de l’erreur,
sauve son être de la mort, et couvre une multitude de fautes.